Follow the line // Virginie Prokopowicz
Exposition jusqu'au 14 décembre à l'Espace Vallès
MÉMOIRE BRUTE
Virginie Prokopowicz puise dans ses origines et son histoire familiale les lignes de force de son travail. La guerre et ses traces, les ruines, l'enfermement : autant d'objets de mémoire dont elle organise la présence dans ses installations et ses tableaux.
Si elle a un temps acquiescé à l'idée communément admise que l'art n'est pas une vie ni un métier, Virginie Prokopowicz s'est finalement laissée aller à son penchant premier : dessiner, peindre, créer. Un passage aux Ateliers des Beaux-Arts de la ville de Paris, et la voilà embarquée dans un voyage artistique qui se poursuit aujourd'hui. Même si elle est « entrée dans le système » à la fin des années 90, son chemin se trace à l'écart des coteries, et s'avère riche en amitiés et complicités pour faire vivre l'art d'aujourd'hui, notamment à Moret-sur-Loing où elle vit. Dans ce village médiéval célébré par le peintre impressionniste Sisley, elle a créé avec d'autres l'association Le Mur : celle-ci organise depuis plusieurs années des expositions d'art contemporain dans cette ville.
Elle-même présentait en 2018 au Prieuré de Pont-Loup, Mémoires de guerre, un hommage singulier aux disparus : ceux de la Grande Guerre et ceux qu'emporta en 1910 une terrible crue. D'une enfance marquée par les tragédies guerrières – ses deux grands-pères ont connu les camps nazis-, l'artiste a retenu l'importance des traces, de ce qui reste dans le paysage, ce dernier valant comme métaphore de l'humain. Pour ériger la présence des absents, elle privilégie les matériaux bruts - le fer, le béton, le bois – qu'elle transfigure notamment dans des installations in situ. Un singulier travail sur les formes et leur rapport à l'espace, où des lignes notamment viennent traverser le chaos comme pour en nier – ou en souligner ? - la puissance mortifère. Sa démarche exprime avec force le travail de la guerre sur les formes, les corps et la nature. Ce qu'elle creuse, vide, entrave, empêche, emprisonne. Arbres fantômes, trous, tranchées, amas de ruine, traînées et lambeaux, alignements de croix : tout un vocabulaire formel du désastre, dans une ambiance où le gris et le noir l'emportent. Partant d'une mémoire à la fois familiale et locale, Virginie Prokopowicz entend inclure dans ses évocations les guerres passées et présentes, celle de Syrie notamment si fortement imprimée dans les paysages, les corps et les images. Inspirées par Mondrian (et quelques autres), ses réalisations relèvent à la fois d'un certain minimalisme et d'une force expressive, dans des formats souvent imposants.
Pour sa venue à l'Espace Vallès, qu'elle définit comme un lieu très rythmique, l'artiste prépare une installation au rez-de-chaussée et plus globalement une exposition qu'elle promet très graphique. Les lignes dialogueront avec l'espace et y auront la parole pour dire l'éclat et l'aigu, la tension et la vie. Le sens, peut-être.
D.M.
Virginie Prokopowicz, exposition
du jeudi 14 novembre au samedi 21 décembre, à l'espace Vallès
Vernissage le jeudi 14 novembre, 18h30